La supervision, comme éthique à la pratique du psy ?

Le psychothérapeute, psychopraticien, est autant humain que ses patients, autant exposé aux émotions, sentiments, pensées, limites, que tous autres humains, il est surexposé au risque des transferts complexes, une supervision s’avère précieuse. Pourtant, par manque de temps, d’argent de motivation, certains font l’impasse de cet incontournable.

Pour certains amis, collègues ou personne, le psy identifierait immédiatement les enjeux psychiques, poserait les mots justes dans chaque conflit, régulerait parfaitement ses émotions, se détacherait de toutes les situations, comme s’il était muni d’un bouclier, un super héros en sommes !

Dans ma réalité personnelle, je suis aussi au prise de difficultés intime et relationnelles, d’émotions débordantes, d’évènements traumatiques. Bien évidement, j’ai des ressources pour y remédier. Dans ma réalité professionnelle en psychothérapie, je suis aussi touchée par des patients-clients-personnes, certaines m’émeuvent, certaines me sidèrent, certains m’agacent, d’autres m’épuisent ;Certaines situation m’habitent et resurgissent dans mes rêves ou dans ma vie psychique. Je suis un être humain !

Quel est le sens de la supervision ?

La supervision prend son sens si nous considérons que le premier outil de travail du thérapeute est lui même comme  personne humaine. Autant que pour tous professionnels de la relation.

Dans mon parcours de psychothérapie relationnelle l’accent a été mis sur l’importance fondamentale d’être supervisé dans notre pratique de thérapeute.

Un de mes formateurs au CIFPR, Alain Delourme, psychologue clinicien, docteur en psychologie, formateur, superviseur de praticiens et co-auteur avec Edmond Marc de « La Supervision en psychanalyse et en psychothérapie » (Dunod, 2011), nous en explique la raison :
« Chacun a des zones de clairvoyance ou de cécité, de compétences ou d’incompétences. Le superviseur est là pour aider le thérapeute à y voir plus clair, à penser, à comprendre, et à mieux gérer la situation. »

En un mot, il s’agit d’élargir la capacité du praticien à vivre émotionnellement et intellectuellement des situations complexes ainsi Alain Delourme distingue trois fonctions fondamentales du superviseur : celle de veilleur, de chercheur et de transmetteur qui veille à ce que le supervisé exerce dans des conditions éthiques référée au code de déontologie auxquels adhèrent le psy

« Le supervisé peut aborder en séance une situation thérapeutique qui l’interroge, tout comme il peut faire le choix de parler d’une difficulté personnelle qui survient dans le cadre de sa profession».

Inévitable, à mon sens, en début de carrière puis ponctuellement quand la nécessité d’étayage se fait sentir.

Certains, de mes différents superviseurs m’ont soutenue dans mes intuitions, mes pratiques sortant de l’orthodoxie, permis de prendre du recul sur une situation complexe, autoriser à l’erreur ou à l’insu , éclairer des zones aveugles sur des impasses restées dans l’ombre ; ils m’ont enrichi sur le plan méthodologique et théorique autant que sur la complexité de cette exigeante profession.

Pour moi, la supervision est aussi un pilier de la formation continue du  psychopraticien relationnel©

Elle se pratique parfois en individuelle parfois en groupe, les deux ont leur utilité; la supervision c’est aussi une analyse de la pratique professionnelle du « psy ».

J’ai également participé à différent groupes d’ Intervision ( co-vision) qui est une supervisions croisées, d’échanges entre pairs psy de toute obédience. Ses expériences ont été une source d’élargissement de ma pratique.

Ses deux instances sont de véritable garant de l’éthique de la profession et de la protection des usagers.

J’exerce donc dans le respect du code de déontologie adopté par le SNP PSY affiliée AFFOP.

Note : https://www.snppsy.org/deontologie/code-de-deontologie/

 

Pour comprendre la supervision

La supervision est une pratique ancienne exercée en médecine sous forme d’«internat », comme d’ailleurs dans nombreux métiers de l’artisanat où de l’apprentissage notamment. « le compagnonnage ».

En science sociale aux États-Unis dès 1880 où la supervision était introduite dans des institutions de charité. A partir du début du 20e siècle, le travail social a entrepris une théorisation de la supervision et à l’appliquer comme un dispositif méthodique indépendant pour l’enseignement et la formation permanente des travailleurs sociaux professionnels. Qui sera introduit en France en autre par Myriam David, pédopsychiatre, psychanalyste, spécialisée dans le traitement et l’observation des très jeunes enfants, créatrice du Sessad.

En psychanalyse, le sujet fut abordé́ dès 1920 par Freud dans les réunion du mercredi ET par Max Eitington qui en 1920 introduit le « Kontrollanalyse » dans sa polyclinique de Berlin, comme sa surveillance des débutants. (Vivès 2010, pp. 27-28). En 1925 le Congrès de l’API (Association Psychanalytique Internationale) en Bad-Homburg (Allemagne) l’instaure, avec des caractéristiques telles qu’une certaine fréquence (hebdomadaire) et une durée (deux ans), comme partie obligatoire de la formation psychanalytique.

Initialement cette pratique est donc nommée « analyse de contrôle, » terme qui fait écho à
l’« analyse des pratiques », ( bien que s’en différenciant) dans le cadre des supervisions d’équipes de praticiens en institution, comme celle que je propose au eaje et aux écoles.

Depuis la supervision en psychothérapie, et plus largement des professionnels de l’accompagnement, est devenue une obligation morale, intégrée dans certaines chartes de déontologie pour en garantir le respect du cadre :(ce qui ne signifie pas une loi).

Comment se déroule une supervision individuelle ?

La supervision se déroule entre deux personnes : un superviseur, expert chevronné et un supervisé. Cette relation doit permettre un rapport de confiance et de lâcher prise. Il est possible alors d’interroger sa propre subjectivité au contact de la subjectivité de l’autre (patient, client, personne) gage d’une qualité de relation professionnelle, en abordant ce qui se passe d’intime et de personnel dans la relation à l’autre.

La supervision permet aussi d’accompagner la croissance du professionnel : qu’il renforce ses points forts ou les lui révèle en l’accompagnant dans son mouvement de croissance. Le travail de supervision permet donc de dégager les lignes de forces personnelles de chaque professionnel et de d’affiner son style d’intervention, d’approfondir ses qualités relationnelles, tout en interrogeant l’éthique de sa pratique. L’objectif du superviseur n’est pas de résoudre pour le supervisé la situation, mais de faciliter la réflexion et la prise de conscience de ce qui est en jeu dans l’ expérience professionnelle du supervisé. La supervision est donc un lieu de croissance,en référence à une déontologie professionnelle.

La supervision n’est pas une psychothérapie personnelle du praticien bien qu’elle participe autant au développement personnel que professionnel et l’entraine à éprouver les
« échos » entre sa propre histoire et celle de ses clients/patients.
Toutefois cette résonnance a déjà été draguée, élaguée, purgée, métabolisée par les années de thérapie personnelle.

J’interpelle ici sur l’ indispensable parcours d’ une psychanalyse ou une psychothérapie personnelle avant et pendant son cursus d’apprentissage et au besoin durant sa vie. Beaucoup de praticien omettent cette incontournable, ce qui n’est pas sans conséquences à mon sens sur l’accompagnement de la personne. Certains se servent (ou tente de se servir) de la supervision comme psychothérapie personnelle, cette confusion est recadrée par l’intégrité du superviseur, qui suggèrera la nécessité d’un travail personnel en sus de la supervision.

Objectif de la supervision ?

Je le définirai comme l’accroissement de l’expertise du psychothérapeute – supervisé.
Ainsi le développement de mon expertise suite à mes formations se sont façonnés par des allers et retour entre mon expérience clinique de terrain et des acquis théoriques. J’ai fait l’expérience des limites et des réussites théoriques et des pratiques. J’ai ouvert mon champ théorico-pratique à d’autres courants, j’y ai expérimenté d’autre posture.

Ses supervisions ont participé à ma prise de conscience sur ce qui se joue dans la pratique clinique, sur mes difficultés, mes point aveugles, et sur mes réussites. J’y ai interroger les principes de base de ma formation et constater : que « La formation va de la théorie à la pratique ; la supervision va de la pratique à la théorisation ». Delourme et E.Marc.

Ces allers-retours ont favorisé ma progression vers un niveau d’expertise jusqu’à développer une posture en « méta – un « superviseur intérieur »

conseils et soutiens

 

 

LA SUPERVISION INDIVIDUELLE 

Les axes du travail de supervision

• 1. le client : Sa demande, sa problématique, ses affects, son histoire personnelle, son type de personnalité, son objectif.

2. le thérapeute : De quel soutien, le thérapeute a-t-il besoin selon qu’il est débutant ou chevronné ?
Quel est son type de personnalité et comment va-t-il s’accorder ou non avec celui du client ?Quels questions ou soucis professionnelles rencontre le thérapeute ?

 3. la relation thérapeute – client
Fonctions de transfert et de contre-transfert.Travail verbal et non-verbal,
• les émotions et les sentiments.
• Travail sur les rêves,
• Les jeux et les enjeux du corps dans l’espace thérapeutique.

4. cadre, méthodologie, nosographie,
• Les différentes grilles de lectures, et les éclairages théoriques
• L’éthique et les règles de fonctionnement.
• Le début et la fin, les absences, les retards, l’argent, les limites,

Le temps de supervision permet d’exposer soit un ou deux cas soit de travailler une difficulté récurrente dont j’ ai pris conscience indépendamment d’un patient spécifique, d’effectuer une demande « technique » pour travailler une limitation personnelle, une difficulté transférentielle – relationnelle voire pour consolider des aspects positifs de ma pratique, et asseoir avec conscience et confiance mes ressources et mon savoir-faire. Ainsi j’ai transformé au fil des ans, la conscience de mon savoir- être en confiance dans un savoir-faire unique de ma pratique. Ainsi J’ai affiné ma spécificité́, mon talent personnel, indépendamment des techniques acquises et de toutes écoles de références.

LE CHOIX D’UN SUPERVISEURS

Au cours des années, j’ai suivi plusieurs superviseurs, choisis en fonction de ce que je souhaitais développer , choisis pour leurs acuités, leur authenticité, leur capacité d’accueillir mon originalité. Parfois déçu, souvent satisfaites.

Inconsciemment, sans nul doute, pour modéliser en ce que certains ont pu être un support de transfert « suffisamment bon » de ma croissance personnelle.

SUPER – VISION  à vie ? probablement, oui.

Pouvons-nous, nous passer d’une vision extérieure ? De formation continue ? D’un tiers, protecteur des angles morts, de l’impuissance, de la toute-puissance, ressentie  ? De garder la saine humilité de l’accompagnement de l’humaine condition ? De la solitude du psy, aussi ?

Je ne le crois pas, je crois que chaque accompagnant qu’il soit médecin, psy, coach, etc. se doit de garder ses gardes- fous, ce pilier de remise en question et d’actualisation de  ses connaissances, théorico-clinique,  autant que de sa pratique (les découvertes récentes font preuves) et surtout cet essentiel  étayage. Bien que des pauses soient justifiées et certainement utiles.

A chacun de juger de ses besoins.

LA SUPERVISON DE GROUPE

C’est bien connu, « plus on est de psys, plus on rit ! » Comme Alain Delourme le confirme. La supervision de groupe s’avère pertinente, notamment pour les groupes à effectif réduit, entre 4 et 8 personnes pour lui.  Certains prennent 12 personnes d’autres jusqu’à 20 personnes; A mon sens le travail n’est pas le même.

« On y trouve une ambiance productive, une synergie qui impulse une grande solidarité entre les thérapeutes. Il est important de respecter une continuité tout au long de l’année et d’éviter les effets d’entrée et de sortie qui altèrent la dynamique du groupe. Ainsi, je demande toujours à ce que chacun s’engage pour au moins une saison, de septembre à juin », indique Alain Delourme.
Site : http://alaindelourme.fr/

La supervision de groupe permet de travailler sur des journées ou soirée complètes en tirant partie des expériences des autres, membres du groupe.

Le regard sur le superviseurs qui travaille avec un des membre est ainsi plus distancié puisque décentrée de soi,le travail sur les transferts collatéraux (ce que les autres lui renvoient dans leur position de thérapeutes), sur comment le superviseur traite la question, sur les retour du groupe ,… amplifient la compréhension et l’acuité en développant par modélisation la façon de faire.

Il favorise l’analyse spécifique des différents aspect de la pratique dans des approches théorico-clinique différentes sur : la demande, le cadre du travail, la problématique du (patient, client, personne), l’identité du thérapeute, les émotions du thérapeute, etc ;

Ainsi dans la supervision de groupe, les juxtapositions et confrontations d’expériences et de ressentis rendent l’expérience très enrichissante.

J’ai participé à différents groupes de supervisions :

  • De psychologue pour mes fonctions de psychologue en EAJE (2002/2019)
  • De Gestalt-thérapie (2000/2003) de psychologie jungienne (2004/2008), etc.
  • Ma dernière participation en groupe  « Être thérapeute : réfléchir à plusieurs »  d’Aliette de Panafieu (2017/2019) voir site

https://aliettedepanafieu.com/

« La dynamique de groupe » en supervision.

« la dynamique des groupe » c’est-à-dire l’ensemble des mécanismes et processus psychiques et psychosociologique émergeantes au sein des groupes restreints.*voir D. Anzieu.

Comme dans tous groupe constitué, la dynamique y est à l’œuvre, comme un lieu où se joue l’articulation entre l’individuel et le collectif, le collectif et  l’individuel, où se vit le sentiment d’appartenance ou d’exclusion, où se mesure la relation de chacun au superviseur où s’élabore l’identité et le positionnement de chacun face aux groupe, où les enjeux de pouvoir, de rapport de force, mais aussi d’alliance, d’empathie, de coopération égayante se vive, … il s’agit d’un triple travail sur soi. (soi et la problématique clinique évoquée, soi et le superviseur, soi, le groupe et sa dynamique).

Sur ses point j’aurai tant à dire, toutefois ce n’est l’espace ici, de m’étendre. Je souhaite juste évoquer la profondeur du travail effectué par le psy qui se donne le temps et les moyens de la réflexion et du réajustement de sa pratique de thérapeute.

Sur la question des moyens, nous pourrions aussi évoquer le financement de participation à la supervision qui est loin d’être négligeable. Probablement un prochain article…

Pour aller plus loin :

Alain Delourme,Edmond Marc  « La Supervision en psychanalyse et en psychothérapie » (Dunod, 2011).
« 
Didier Anzieu
« La dynamique des groupes restreints » Paris, PUF, 2007, coll. Quadrige
« Le groupe et l’inconscient.L’imaginaire groupal », Paris, Dunod, 1999

Ariane -Thésée le 10/10/2021

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